Une IA qui lit vos courriers de réclamation, et y répond en temps-réel !

BNP Paribas souhaitait tout à la fois : réduire ses coûts de traitement des réclamations, mieux en dégager des axes d’améliorations continue, et les traiter en conformité avec la législation.

Pour cela, plutôt qu’un traditionnel projet Lean/6-Sigma, nous avons imaginé une solution disruptive et inédite : intégrer dans le processus de traitement des réclamations, une Intelligence Artificielle.

Les objectifs du projet ainsi validé furent donc de :

  1. Faire un état des lieux des processus de traitement des réclamations et découvrir des Quick-Wins ;
  2. Implémenter une Intelligence Artificielle capable de lire & catégoriser les courriers de réclamations, répondre aux courriers (en modernisant les textes), et automatiser la production des rapports règlementaires ;
  3. Produire un Modèle Prédictif anticipant les réclamations.

1. Cadrage initial & définitions des Axes de Travail

L’état des lieux fut fait, et permis de dégager plusieurs apprentissages.

#1: Les 3 axes d’une réclamation

Gravité : chaque réclamation peut être « pondérée » par un facteur de gravité, selon des règles propre à l’établissement, et qui peuvent être clairement structurées.

Motif : chaque réclamation est relative à un ou plusieurs sujets précis et particuliers, qu’il est nécessaire de comprendre et relier à la liste des catégories suivis par le régulateur.

Emotion : chaque client rédigeant son courrier de réclamation est dans un état émotionnel qui lui est propre, et qu’il convient de respecter, sans jugement.

En particulier, l’émotion du client n’est pas proportionnelle à la gravité de son incident, et il est nécessaire de répondre tant au motif qu’à l’émotion ressentie, et ce, de manière adaptée à la gravité réelle de la situation.

Matrice Gravité Emotion
Nos émotions ne sont pas toujours proportionnelles à la gravité de nos situations personnelles.
#2: Un processus opérationnel trop « traditionnel »

Concernant le processus opérationnel de traitement de ces réclamations, notre état des lieux a permis de dégager plusieurs enseignements :

Papier : Sans formulaire en ligne à cette époque, les clients mécontents se plaignait par courrier postal dans 60% des cas, et 5% des avocats ou des Associations.

Agences : Les réclamations étaient majoritairement envoyées à l’Agence locale du client ; si l’Agent ne parvenait pas à les traiter, il devait alors les envoyer en central (« niveau 2 »).

Processus Opérationnel : Une fois en central, la réclamation était gérée par une cellule d’experts qui réalisait une enquête interne, afin de déterminer avec précision les causes de l’incident. Une fois cette enquête réalisée, une proposition de réponse était rédigée en utilisant des ressources textuelles prérédigées ; ce courrier devait être validé par la hiérarchie avant d’être envoyé par voie postale.

Un processus de traitement long et fastidieux, prenant souvent plus de 60 jours.
#3: Data Exploration & Quick Wins

Nous avons ensuite implémenté un Data Lake, et utilisé notre moteur Elastic Search pour analyser un historique de quatre années de réclamations.

Cette analyse a permis de dégager plusieurs correctifs rapides, comme par exemple

  • Modifier l’accès à une Agence en particulier
  • Recruter une personne dédiée à l’accueil dans certaines Agences
  • Mieux communiquer sur certaines situations récurrentes
  • Repenser la gestion des décès, héritages et transmissions de patrimoines

2. Implémenter une Intelligence Artificielle

#1: Lire les courriers

Pour cela, un OCR particulier a été élaboré de façon à ne pas perdre certaines informations de mise en forme, comme notamment les caractères gras ou écrits en majuscules. Cette OCR fut mis à disposition des Agences sur un outil internet sécurisé.

Concernant les courriers manuscrits, la reconnaissance des caractères a beaucoup progressé ; toutefois nous avions encore beaucoup de courriers nécessitant une relecture manuelle. Dans ces cas-là, le courrier mal-lu par l’IA était envoyé vers les systèmes de gestion des courriers dématérialisés, et directement affectés à l’équipe d’experts, pour lecture manuelle selon le processus existant.

Le résultat fut probant : dans tous les cas de figures, l’économie de temps fut très significative : économie du délais d’envoi vers le siège, et économie du temps de numérisation et distribution ; soit une économie d’au moins 4,4 jours.

#2: Catégoriser les réclamations

Pour cela, l’intégralité des quatre années d’historiques de réclamations traitées a été utilisé, ainsi que 5 itérations successives, pour permettre à cette IA d’apprendre à reconnaître :

  • Les métiers bancaires concernés par une réclamation (crédit consommation, crédit immobilier, produit d’épargne, compte bancaire, carte de paiement, achat en ligne, processus d’entrée en relation, rendez-vous en agence, etc.)
  • Les émotions ressenties et exprimées par les clients (déception, inquiétude, colère, rage,..)
  • Les motifs tels que définis par la règlementation (accueil, frais, mobilité, etc.)
Cartographie des émotions et des catégories de motifs de réclamations
#3: Rédiger les courriers de réponse

Une fois catégorisés selon ces trois axes, l’IA peut directement déterminer les meilleures réponses probables pour ces combinaisons précises.

Pour cela, nous en avons profité pour moderniser les ressources textes, et les avons découpés en paragraphes cohérents et assemblables :

  • Paragraphe introductif, résumant le métier / produit bancaire et le motif compris, ainsi que l’émotion déterminée.
  • Paragraphe préliminaire (optionnel), présentant d’éventuelles excuses, le cas échéant.
  • Paragraphe explicatif (si connu), résumant des causes probables de cette situation.
  • Paragraphe principal, listant les réparations proposées et/ou les prochaines étapes.
  • Paragraphe conclusif, essentiellement les formules de politesses.

Pour chacun de ces paragraphes, un grand nombre de ressources textes, correspondant aux situations possibles, en croisant chacun des motifs, métiers et émotions. L’historique des réponses faites et des causes connues nous ont permis de construire cette grande matrice des possibles.

En fonction des combinaisons reconnues dans les courriers lus, l’IA détermine des pourcentages de probabilités sur ce qu’elle a reconnu. Ainsi, l’IA se fait son opinion sur les réponses les plus probables à formuler.

C’est ainsi qu’en quelques minutes, l’IA produit deux à trois courriers de réponses les plus probables, dans un format Microsoft Word, en indiquant sa réponse favorite.

Processus inversé : production des réponses probables avant de réaliser l’étude.

Ces réponses peuvent ensuite être lues par un opérateur, qui pourra étudier plus avant et modifier à volonté le courrier produit.

3. Modèle Prédictif

Pour réaliser cette dernière étape, des explorations de davantage de données a été nécessaires : notamment les opérations bancaires réalisées quelques jours / mois avant la réclamation par l’intéressé. Toutefois l’effort pour déterminer des schémas reproductibles s’est avéré trop important, et cette phase n’a finalement pas été conduite à son terme.

L’IA ainsi créée a permis de totalement disrupter le processus de traitement existant. Notamment, la rédaction des réponses est réalisé avant l’étude, permettant ainsi d’avoir des hypothèses crédibles à vérifier ou invalider. Grâce à ce projet, le Total Lead Time du traitement des réclamations est passé de 40,8 jours à 14,7 jours par réclamation, soit une économie de près de 26 jours ! De surcroît, plusieurs Quick Wins ont été détectés et résolus une fois pour toute.